Charlie Brennan. « Everybody say : Missing. »

Histoire : La vie n’avait jamais été très belle. Depuis sa naissance, Charlie avait connu les guerres, les lâches, les vides… Heureusement, gamin, il avait encore une famille sur qui se reposer. Une mère adorable, qui l’encourageait dans sa créativité, un frère doté de pouvoir magique, avec qui il s’amusait à faire les quatre-cent coups – ce qui lui aura d’ailleurs coûté une belle blessure à sa jambe droite – et un père qui leur faisait découvrir la vie petit-à-petit. Mais tout s’efface progressivement. A commencer par son père. Il devait avoir quinze ans, lorsque celui-ci partit sans laisser de nouvelle, laissant une mère et ses deux enfants sans rien. Et trois ans plus tard, son jumeau : Léandre. Partit également sans rien dire, sans même un simple regard. Charlie s’en ai senti trahis, abandonné. Seul avec sa mère, ils tenaient la petite auberge familiale. Mais à nouveau le destin tragique arriva. La destruction d’un monde. La maladie… Et le mal qui emporta sa mère. Seul. Charlie, tu t’es retrouvé seul…

Incapable de savoir quoi penser, Charlie a continué sa vie. La vie qu’il avait toujours menée. Avec une haine et des remords toujours plus grandissants envers ceux qui l’avait abandonné. Charlie devient Charles, sa manière à lui de s’effacer du passé, et de recommencer une vie. Mais Charles n’avait pourtant pas changé ; il était toujours au fond de lui, ce petit garçon un peu trop créatif, qui rêvait en mille couleurs sa vie. Mais qui avait toujours besoin d’une chose pour continuer : une épaule sur laquelle se reposer. Sauf que cette épaule, voilà plusieurs années qu’il ne l’avait plus.

« S’il-te-plais, Charlie… », la voix de son frère, encore et toujours… Ne le lâcherait-il donc jamais ? Lui qui était partit on ne savait trop où, le voilà revenir comme si de rien n’était. « Léandre, casse-toi. Cinq ans que t’es partis. Sans aucune nouvelle. Tu crois que j’vais t’accueillir les bras grands ouvert à ton retour ? Non. Dégage. ». Sa voix sifflait, son regard était noir. Toute la haine de Charles à l’égard de son frère pouvait se lire dans ses yeux à cet instant précis. « Je le sais, je m’en veux… ». « Tu t’en veux, tu es désolé, c’est ça hein ? Arrête-toi un peu Léandre, ce n’est pas dans tes habitudes de demander pardon. Tu n’es plus rien pour moi, tu l’entends ça ? Plus rien. ». Charles mourrait littéralement d’envie de laisser son frère-là, et de partir. Pourtant, une force invisible l’en empêchait. Peut-être voulait-il réellement entendre ce que son frère avait à lui dire… Peut-être pas, peut-être est-ce juste pour avoir le dernier mot dans cette dispute puérile. « Maman ne voudrait pas qu’on soit ainsi… ». Son frère avait grogné ses mots – bien évidemment, il ne savait faire que ça ! Grogner. – Le pire, il osait parler de leur mère. Lui qui n’a pas été là pour elle. Charles n’en pouvait vraiment plus, tout le poison qu’il avait, il le lança dans ses mots. Et il espérait l’avoir blessé, oh oui vraiment qu’il l’espérait. « Pardon ? Maman n’est plus là, tu n’as pas à savoir ce qu’elle aurait voulu. A ce que je sache, tu n’étais pas là quand elle est morte, ce n’est pas toi qui est resté à son chevet jusqu’à sa mort. Alors t’as pas à savoir ce qu’elle voulait, non. ». Le regard de Léandre était perdu, comme s’il se sentait coupable de tout, Charles ne put qu’en rajouter une pique supplémentaire. « T’as bien raison de t’en vouloir, t’as rien fait pour l’éviter. ». Sur ces derniers mots, Charles tourna les talons, et commença à partir. « Papa non plus ne veux pas… ». Non, mais ! Là c’était pire que la goutte de trop. « Léandre, écoute-moi bien. Papa a fui. TU as fuis. TU as retrouvé papa, c’est très bien pour vous. Mais que je sache, à moi, personne ne m’a retrouvé. Tu t’es juste pointé-là, répandant ta propagande, et quand tu m’as vu, tu as fait pareil qu’avec les autres ; t’as voulu m’enrôler. Problème, je suis ton frère, je te connais malheureusement trop pour ça. Léandre, écoute-moi bien : dégage, et ne tente pas de me revoir. Je ne veux plus avoir affaire à toi. Même dans la mort. ». Il n'avait pas hésité à insister sur certains mots, même à les répéter, mais c'était nécessaire. Et sur ces mots, il partit pour de bon, sans se retourner.
Comment en était-il arrivé là ? Charles s’était réfugié dans sa petite chambre, assis sur la chaise de son bureau. Pourquoi Léandre était-il soudainement revenu dans sa vie ? Maintenant qu’il avait tout juste réussi à effacer son passé, le voilà qui le hantait de plus belle. Il s’essuya les yeux ; non, il ne devait pas pleurer, il ne devait pas avoir de remord à avoir pu blesser son frère avec les mots employés. Pourtant, à cet instant précis, sa seule envie aurait été d’aller trouver le réconfort dans les paroles de quelqu’un… Et ce quelqu’un ne pouvait être que Léandre.

Les guerres faisait rage, tout le monde en parlait, personne ne savait quoi faire contre. Charles tenait sa petite auberge ; la plupart de ses clients étaient des mercenaires, engagés par l’un ou l’autre des clans, dans la seule optique d’assassiner une personne en particulier ; mais tout cela, Charles s’en fichait. Tant qu’il subsistait, c’était tout ce qu’il demandait. Le seul avantage, c’est qu’il avait au moins toutes les nouvelles les plus fraîches. Et le soir venu, dans un énième soupir, il ne put à nouveau qu’espérer que la guerre prendrait fin demain à son réveil…